Au fil de l'histoire Au temps des barrières Voici qu'avec le retour des beaux jours va retentir à nouveau l'appel de la route. Les uns enfileront les bottes du touriste. Les autres pousseront la pédale de la bicyclette ou appuieront sur l'accélérateur. Ainsi tous redonneront de l'animation à ces longs rubans qui sillonnent le pays. Le réseau routier, hérité des généralions précédente«, a été modernisé depuis la fin de la guerre de 1914-1918 quant à l'empierrement, le revêtement et la largeur des voies. Mais le régime d'exploitation est resté le même que par le passé. C'est-à-dire qu'hormis les piétons et les conducteurs de transports par chevaux, les usagers de la route doivent payer. Ce qu'ils font par la taxe sur les véhicules à moteur et par l'accise sur l'essence. Il y a un siècle, c'était en principe la même chose. Les piétons et les transports des cultivateurs à leurs champs et vice versa étaient exempts, mais cavaliers, carrioles, tape-culs, cabriolets, chars à bancs, berlines, diligences et malles-postes payaient au passage les droits de barrière. Réminiscence des temps féodaux, ces droits de circulation sur les grand'routes avaient été supprimés chez nous par la loi française du 24 avril 1806 et remplacés par la réintroduction de la taxe sur le sel, l'antique gabelle. Mais les drojts de barrière furent rétablis par l'Administration provisoire des Alliés, c'est-à-dire par l'Administration prussienne, en 1814 et ensuite maintenus par le gouvernement des Pays-Bas. Quelques rares chemins vicinaux mieux entretenus, notamment dans la région de Remich, étaient également* grevés de la taxe des barrières, mais au profit des communes. A l'entrée d'une section de la grand'route, il y avait une barrière symbolique, représentée uniquement par un solide poteau planté au bord du chemin et surmonté d'une lanterne pour la nuit. Interdiction de passer sans héler le garde et payer. Celui-ci tenait le plus souvent une auberge, où, sur les routes les plus fréquentées, on logeait à pied et à cheval, on parquait dans la cour les chariots et dans l'écurie les chevaux les voyageurs désireux de faire halte. En 1848, après le grand effort du irand-Duché den ' .r me voirie digne de ce nom, l'Etat avait 113 km de routes. Elles étaient jalonnées de 59 barrières. En voici rénumération. 1) Sur la route de Luxembourg à Trêves, route militaire et très fréquentée — les chevaux et les transports de la garnison prussienne de la forteresse étaient exempts de la tax? —, il y avait sept barrières à Fetschenhof, Birel, Niederanven, Olingen, Potaschhof, Laufbach et Wasserbillig. 2) La route de Luxembourg à Remich avait ses trois barrières à Sandweiler, Pledtrange et Bous. 3) De Luxembourg vers Thionville, il y avait trois barrières à Hollerich, Hespérange et Frisa rgp. 4) La route de Luxembourg à Esch..ur-Alzette avait quatre '»arrières à Hollerich, Leudelange, Pontplerre et Esch. 5) De Luxembourg en direction de Longwy il y avait cinq barrières à Merl, Grevels, Dippaeh Bascharage et Pétange. 6) La route de Luxembourg à Arlon avait ses quatre barrières à Arlintgei^ Mamer, Cap et Steinfort. 7) La route de Luxembourg à Saint- Vith et Liège, dont le tronçon au delà d'Ettelbruck venait d'être terminé, avait seize barrières, établies à Elch, Heisdorf, Lintgen, Mersch, Rost, Niederschieren, Diekirch, Friedhof, Lipperscheld, Lipperscheld, Maison Lanners, Fenraberg (devant Hosingen), Dorscheid, Fischbach, Lausdom, Saint- Vith et Huldange. 8) De Luxembourg à Echternach on comptait six barrières à Waldhof, Gonderange, Beidweiler, Alttrier, Roaershof et Echternach. 9) Sur la route d'Ettelbruck à Bastogne, il y avait 6 barrières à Feulen, Haies de Feulen, Helderscheldergrund, Buderscheid, Nothum et Doncols. 10) Enfin de Mersch à Arlon, il y en avait cinq: Mersch, Reckange, Saeul, Calmus et Hobscheid (Kreitzerbuch). Toutes ces barrières sont aisées à situer et pour certaines on connaît encore aujourd'hui l'immeuble qui hébergeait le receveur des droits. Mais deux posent un problème de localisation: Arlintgen entre Luxembourg et Mamer et Saint-Vith entre Lausdorn et Huldange. Arlintgen est peut-être une contraction des termes Arel—Lintgen Arel—Lintgen Arel—Lintgen et pourrait ainsi désigner une barrière qui se serait trouvée à Strassen à l'intersection d'une route, jadis très fréquentée, qui quittait la route d'Arlon pour se diriger par Bridel et Kopstal vers Lintgen. Quant à la barrière St.-Vith, peutêtre était-ce l'enseigne d'une auberge. Ou ce nom désignait-il le point de la grand'route où se séparent l'embranchement qui conduit par Schmiede à Stavelot et à Liège, et celui qui, par St.» Vith, mène à Aix-la-Chapelle? Ce serait l'endroit qui s'appelle aujourd'hui Wemperhardt. Le droit de barrière variait suivant le nombre de roues du véhicule et le nombre des chevaux attelés. Au minimum, 16 centimes pour la voiture à deux roues et un cheval. Au maximum, 1,52 fr pour la Rolls-Royce de l'époque: le carrosse à quatre roues tiré par huit chevaux. En 1847, les barrières avaient rapporté à l'Etat 24 344 florins hollandais, monnaie de compte officielle de l'époque, c'est-à-dire 51122 francs de germinal, que nous appelons aujourd'hui des francs or, mais qui étaient alors des francs argent. Le chiffre était appréciable. Mentionnons, pour comparaison, que les recettes de l'Etat les plus élevées, >.ell.s des douanes et celles des accises, atteignaient à l'époque chacune environ 350000 francs-or. * A partir de la construction du réseau des chemins de fer, le rendement des droits de barrière diminua. Aussi furentils supprimés par la loi du 30 décembre 1862 et remplacés par un impôt sur les chevaux et les boeufs, d'une perception moins coûteuse. L'impôt sur les boeufs fut supprimé à son tour par la loi du 6 mai 1874 et celui sur les chevaux par celle du 26 décembre 1888. Ainsi disparurent, à une époque relativement récente, les derniers vestiges de l'antique droit de circulation sur les routes, Albert Calmes.