d'Letzeburger Land


ITINERAIRES
ITINERAIRES ITINERAIRES
Le
journal littéraire d'Albert Borschette
Le
journal est une forme littéraire dont la popularité est particulièrement grande à notre époque. Autrefois on publiait les annotations journaliè,res d'écrivains, d'artistes, d'hommes d'Etatp après leur mort, afin de permettre à leurs admirateurs de pénétrer dans l'intimité de ceux qu'ils vénéraient, de reconstruire les détails de leur vie et de trouver, peut-être des explications à leurs oeuvres et à leurs actes.
Aujourd'hui
c'est de leur vivant et de leur propre initiative que les auteurs publient leur journal, de même qu'il arrive que deux écrivains, brouillés entre eux, s'entendent pour confier à leur éditeur commun la publication d'une correspondance antérieure à leur dissension. Ainsi sont livrés à une curiosité publique parfois malsaine les détails les plus intimes de la vie d'un auteur. Et les détails les plus banaux de la vie quotidienne une toux, un rhume ne sont pas épargnés au lecteur.
U
n'y a guère de document plus personnel et plus intime que le journal qui accompagne son auteur tout le long des années et accueille ses impressions les plus fartes, les plus vivantes et les plus fraîches.
H
existe différents types de journal. Il y en a qui sont un reflet de l'introspection de la vie intime, physique et intellectuelle, émotive et sensuelle de l'auteut- Il y en a, qui sont faits de simples notes griffonnées sans autre but que d'évoquer un souvenir, rappeler ce que la mémoire de l'homme pourrait oublier, eû?istituer la matière première d'une oeuvre littéraire. Un journal peut être aussi un recueil d'impressions extérieures, un reflet vivant de l'histoire contemporaine, vue et interprétée à travers le tempérament de l'auteur.
Le
journal que notre compatriote Albert Borschette vient de publier aux Editions Bourg-Bourger appartient à cette dernière catégorie. Nos lecteurs ont d'ailleurs déjà pu apprécier les qualités d'observation et de style de cette oeuvre, l'auteur nous ayant autorisé à reproduire un extrait avant la publication de l'ouvrage *). A son livre de 172 pages l'auteur a confié pendant de longues années ses impressions littéraires, politiques et touristiques les plus fortes. C'est un témoignage vivant de notre temps et on ne manquera pas de le lire avec fruit.
Ce
qui frappe à la lecture de cet opuscule c'est avant tout l'irrégularité des inscriptions. Quelques pages au début renferment les notes inscrites du 25 avril 1940 au 14 avril 1941. Puis c'est un silence qui n'est rompu que le 13 mars 1945. Il est vrai qu'entre ces deux dates se situe le journal de Russie
qu'Albert Borsehette a publié il y a quelques années et qui restera toujours un témoignage émouvant de la génération luxembourgeoise sacrifiée.
Mais
même exprès le 15 mars 1945 les inscriptions ne sont pas régulières. Pendant des mois le journal reste muet; d'autre part des notes brèves et nerveuses alternent avec de. longs exposés et des analyses approfondies.
L'auteur
de ces pages est un itinérant auquel ses fonctions diplomatiques assurent un siège au premier rang du théâtre du monde, auquel de fréquents déplacements professionnels facilitent la réception d'impressions surabondantes et extrêmement variées, et auquel une curiosité très vive des choses de l'esprit a fini par donner un flair infaillible qui lui permet de détecter avec assurance ce qu'il y a de plus valable dans la. surabondante production littéraire et artistique contemporaine. En tête des inscriptions figurent les noms de lieu les plus différents: Venise, Innsbruck, Cologne, Oberammergau, Barcelone, Baden-Baden, Amsterdam, Paris, Diekirch.
Les
objets auxquels M- Barschette porte son intérêt sont multiples. Tout ce qui est du domaine de l'esprit, et notamment l'art dramatique et le roman lui sont familiers. Continuellement il se livre à des comparaisons et à des rapprochements pénétrants et révélateurs. Il affectionne aussi la psychologie des peuples et sait donner à ses observations —■ sujettes à eaution
comme toutes les observations à ce, sujet une forme brillante. Ayant vécu dans les milieux diplomatiques d'après-guerre il a su observer de près la vie politique, encore qu'il ne livre son jugement qu'avec prudence. Le journal se termine par un récit serré et pittoresque d'un voyage en Espagne. A l'évocation d'impressions folkloriques, à la description d'un patrimoine artistique très riche et à l'interprétation d'un paysage souvent aride, mais toujours grandiose se mêlent des réflexions amères et poignantes sur la situation politique et sociale du peuple espagnol.
On
peut regretter l'absence d'impressions luxembourgeoises dans ce livre. Si l'on trouve parfois en tète des notes des npms tels que Diekirch, Soteuvre et Luxembourg, il s'agit d'une simple localisation d'impressions qui n'ont pas trait à la situation de notre pays. Ce n'est que tout à fait exceptionellement que des questions luxembourgeoises sont évoquées; ainsi l'une des pages les plus ardentes est consacrée à la memoire de la journée du 1er septembre 1942 et constituera un document de la matière de penser de la jeune génération.
Nous
sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs que l'auteur a bien voulu confier à notre hebdomadaire la publication de la suite de son journal.
Dans
un prochain numéro nous commencerons à publier la série de ces articles et nous sommes persuadés que l'entête de rubrique „Itinéraires" deviendra pour nos lecteurs un titre
familier
et attrayant.
C.H.

*)
«D'Letzeburger Land», no 4.
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